Les impacteurs – Aïssa

Guerre d’Algérie. Le montagnard kabyle rencontre la Berrichonne dans cette banlieue sud de Paris : big bang, coup de foudre. Elle laisse tout, il n’a rien. Ils sont ensemble et s’établissent à Saint-Denis. Quatre garçons se succèdent sans pause. Je suis le troisième : Aïssa.
Naissance compliquée avant terme, station prolongée en couveuse, avant le retour à la roulotte qui nous sert d’abri, de nid, de toit. Puis, dans la même commune, attribution d’un logement pour nous six. Il est petit mais on ne s’en rend pas compte. On ne connaît pas d’autres appartements.
J’ai deux ans et demi et nous partons pour l’Algérie indépendante. Crises d’asthme fréquentes. Le pays de mon père ne se montre guère accueillant. Désillusion et retour en France.
Scolarité dans l’école de la république au cœur de la cité. Puis au collège voisin et au lycée plus éloigné. Parcours ponctué de saisons entières passées dans des sanatoriums dans les Pyrénées, le Massif central, les Alpes.

J’entre au Galeries Lafayette. J’y suis vendeur, passant d’un rayon à un autre, d’un sujet à un autre. En parallèle je me forme à l’art dramatique dans les conservatoires des 6e, 10e et 13e arrondissements de Paris. J’entreprends une formation de PAO (publication assistée par ordinateur). Ça me plaît. Je passe quatre ans dans une société de packaging éditorial. Puis je suis retenu pour un poste d’éditeur. Un chasseur de têtes me contacte pour une société similaire. Une troisième en fait autant. Je dis oui.

Plus tard, beaucoup plus tard, n’ayant jamais renoncé au théâtre, je reprends un nouveau cycle d’études, cette fois au Conservatoire populaire de Genève. Tout en poursuivant mon cursus, on me sollicite pour des rôles.

Je joue au théâtre, je mets en scène, je donne des cours, je lis, j’écris, je contemple, je poursuis mes activités d’éditeur.

Je complète ma panoplie en effectuant une formation qui se conclut par l’obtention du titre professionnel de formateur professionnel d’adultes.

Ce que je crois : on n’est pas obligé de savoir ce qu’on va faire de sa vie à quinze ans, et certainement, nos parents ne sont pas compétents en la matière. On n’est pas obligé de se connaître à trente ans… Si on a envie, on peut aller à la rencontre de soi-même et se réaliser. Cette réalisation est telle que l’envie se substitue aux besoins. Le bonheur n’est pas l’accumulation de biens. Il est plutôt frugalité. Il est surtout intermittent.

Au plaisir de faire votre connaissance.